Gaïa et Dieu.e

Ouvrages Gaïa et Dieu.e

Dépasser l’oppression conjointe des femmes et de la nature en inscrivant cette lutte dans la foi chrétienne n’est pas impossible. Gaïa et Dieu.e explore cette rencontre entre l’écoféminisme et le christianisme à travers les réflexions visionnaires de grandes théologiennes d’horizons divers, comme Rosemary Radford Ruether, Sally McFague et Ivone Gebara. Les textes de cette anthologie, inédite en langue française, ouvrent de nouvelles voies critiques et créatives pour penser le divin et la nature à partir de l’expérience des femmes. Une manière de nourrir des engagements pour la libération et la justice, étendues à l’ensemble du vivant. Un ouvrage essentiel pour réinventer la tradition chrétienne à l’ère de l’urgence écologique et des combats féministes.

Un ouvrage écrit à quatre mains par Michel Maxime Egger et Charlotte Luyckx, docteure en philosophie, chargée de cours invitée à l’UCLouvain et à l’UNamur en Belgique, et chercheuse indépendante. Elle a notamment écrit Écophilosophie (Academia, 2020) et co-dirigé Écobiographies en Anthropocène (Presses Universitaires de Louvain, 2024).

Petite présentation de l’ouvrage.

Recensions

William Clapier - Lettre Maison commune : Un livre qui arrive à point

A l’heure des débats autant passionnés que justifiés sur la place des femmes dans la société, leur implication dans la mouvance écologique et plus largement au sein des traditions religieuses, l’ouvrage co-écrit par Charlotte Luyckx et Michel Maxime Egger arrive à point. Son originalité est multiple. Tout d’abord, il publie (enfin) en langue française une anthologie de textes de figures écoféministes et théologiennes majeures, dont Elisabeth A. Johnson, Rosemary Radford Ruether, Ivone Gebara… Il pallie ainsi une lacune intellectuelle en rendant accessible à la sphère francophone des thèses théologiques issues de l’écoféminisme jusque-là largement ignorées.

La substantielle et très instructive introduction rédigée par les deux auteurs ainsi que les introductions des chapitres permettent d’entrer en profondeur dans la réflexion théo-écoféministe. S’immerger dans ce vaste et complexe univers est tout à la fois inspirant et déconcertant, voir déstabilisant à celui, celle qui répugne à pratiquer ce qu’Edmond Husserl appelle «l’épochè»: la suspension du jugement afin d’entendre et de mieux comprendre les thèses d’autrui. Bref, «écouter» sans à priori.

L’intuition profonde, «fondatrice et fédératrice», au sein de l’écoféminisme est qu’il existe «des interrelations profondes… entre l’oppression de la nature et celle des femmes» (p. 16). Toutes deux procèdent d’un même système de domination. Le «cadre patriarcal et dualiste» en serait la cause première, généré à travers «plusieurs processus qui ont masculinisé et extériorisé Dieu.e, domestiqué, féminisé et désenchanté la nature, naturalisé et infériorisé les femmes» (p. 19). La vision patriarcale finit par inférioriser la nature par rapport à la culture et à aliéner les femmes en les réduisant à certaines tâches considérées comme «naturelles» (p. 21).

Ce sont là parmi les principales notes de la pensée éco-féministe, de sa critique d’un «cadre conceptuel» et culturel «oppressif». De nombreux questionnements «critiques» ne manqueront pas d’interroger, de surprendre, voire de crisper certains lecteurs et lectrices: «libérer la Trinité de ses œillères androcentriques», «Dieu.e comme mère», «le monde, corps de Dieu.e», les «fins dernières» délimitées à une «conversion vers la Terre et vers les autres…», non l’espérance «de nouveaux cieux et une terre nouvelle», etc.

L’approche écoféministe chrétienne n’en demeure pas moins du plus haut intérêt pour stimuler l’inépuisable compréhension du réel à laquelle tout être humain est appelé pour accomplir ce qu’il est. Comme toute approche novatrice, l’écoféminisme chrétien suscite un exigent travail de recontextualisation et de réinterprétation créative de la foi biblique, de «repenser de manière radicale tous nos repères cosmiques, culturels et vitaux» (p. 39). Ce qui ne va pas sans revisiter les fondements des concepts théologiques et autres interprétations traditionnelles de la Bible et des dogmes.

Comment être fidèle au signifié de la Révélation sans le dénaturer? Comment accepter la déstabilisation de son référentiel de valeurs, qu’il soit religieux ou politique? Comment aller au-delà d’un «Dieu monarque, transcendant, Père» sans sombrer dans la vision d’un Dieu unilatéralement «sujet, immanent, Mère»? La manière féministe de comprendre l’écologie, le cosmos, la création appelle «une nouvelle manière de penser Dieu» (Ivone Gebara), de reconsidérer la dogmatique (Trinité, Création et Salut, Eglise et Sacrements, Eschatologie…). Et par suite, de repenser l’anthropologie et l’engagement éthico-politique.

Le défi auquel nous convoque l’écoféminisme chrétien ne peut être relevé sans omettre que Dieu est «au-delà de tout». Nos manières de l’appréhender seront toujours inaptes à le concevoir exhaustivement. Sa révélation christique ne décerne pas un point final aux formulations dogmatiques. Elle manifeste un point d’orgue «événementiel» par lequel est transmise l’énergie d’une incessante quête: aller «de commencement en commencement par des commencements qui n’ont jamais de fin» (Grégoire de Nysse).

En ce sens, l’écoféminisme chrétien – qui n’a rien d’un oxymore – peut être un précieux soutien dans l’intelligence du mystère divin et notre avancée en Celui qui demeure «la Voie, la Vérité et la Vie» (Jean 14, 6).

Chrétiens Unis pour la Terre, Lettre Maison commune, juin 2025.

Emissions et podcasts

Ecoféminisme chrétien, une voie possible?

Est-il possible de réinventer la tradition chrétienne à l’ère de l’urgence écologique et des combats féministes? Dans le cadre de l'émission Babel (RTS), au micro de Carole Pirker, Charlotte Luyckx montre comment des théologiennes écoféministes explorent cette question. L’enjeu, qui est au cœur de l’ouvrage Gaïa et Dieu.e (Editions de l’Atelier), consiste à réformer la tradition en déconstruisant notamment le modèle d’un Dieu patriarcal et anti-écologique. 15 juin 2025.

Evénements et conférences

22 mai 2025, Paris: table ronde au Forum 104

Animée par l'écojournaliste Christine Kristof, une rencontre sur le thème «Ecoféminisme: une chance ou un risque pour le christianisme?», avec le théologien catholique Fabien Revol, l’essayiste Audrey Fella, Charlotte Luyckx et moi-même.

Replay de la soirée également accessible en visioconférence.

Considérations des intervenant.e.s

Christine Kristof

Avec la lecture de l’ouvrage de Charlotte Luyckx, et de Michel Maxime Egger. Gaïa et Dieu-e , un écoféminisme chrétien est possible, je réalise combien le sujet de l’écoféminisme est crucial à la fois parce qu’il implique un questionnement radical de nos systèmes de croyances, de nos représentations et nos schémas mentaux, jusque dans l’intime, parce qu’il croise de nombreux sujets essentiels et parce qu’il représente une contribution incontournable à la mutation de notre société et une réponse large aux enjeux actuels de la crise écologique, sociale et spirituelle.[…]

En lisant l’ouvrage, j’ai pris également une conscience progressive de l’« omerta » sur ce sujet; une omerta à laquelle je réalise me soumettre involontairement.[…]

Cela m’attriste et me met en colère, car je me sens, malgré moi, à la fois complice et victime de cet état de fait. D’une façon générale, on n’ose pas vraiment parler de ces sujets: «cela dérange», «cela fâche», «cela ne se fait pas»… et en définitive, cela n’arrange personne d’aborder sérieusement la question de l’écoféminisme, qui plus est de l’écoféminisme chrétien.

Il est incroyable de voir que les écrits de ces femmes, thé@logiennes, philosophes, chercheuses… qui ont pensé et vécu le sujet depuis une cinquantaine d’années, et qui sont présentées dans le livre Gaïa et Dieu-e, le sont pour la première fois en français. Tous les textes sont des traductions originales réalisées par Michel Maxime et Charlotte. Ce livre et cette soirée sont une «première»! J’ai le sentiment qu’une chape de plomb se lève enfin. Il était temps. Un grand merci à Charlotte et à Michel Maxime pour ce courage, pour la prise de risque, pour ce travail considérable et essentiel![…]

En conclusion, la lecture de cet ouvrage est pour moi, et je l’espère pour notre époque, une grande bouffée d’air pur, qui ouvre des perspectives d’espérance dans un monde sclérosé et augure d’une nouvelle relation au Vivant. Il agit comme un facteur de libération,d’épanouissement et d’harmonie…
Les témoignages de ces femmes me donne envie de «ne plus me taire» et de retrouver ma liberté de penser, d’agir, d’aimer, de servir au nom de ma foi et de dire: «cela suffit!», avec fermeté et douceur.

Pour lire l’intégralité de son préambule.

Fabien Revol

J’attendais depuis longtemps un tel livre. Il aborde et fait connaître une thématique importante. Il met à disposition des textes peu connus et difficiles d’accès. Cela, à travers un travail éditorial conséquent. Grâce à une substantielle introduction générale au début du livre puis à des brèves introductions pour chaque partie, il prend le lecteur par la main et nous guide dans cette découverte.

Audrey Fella

Un ouvrage riche et clair, accessible avec de belles portes d’entrée pour toutes et tous. Un plaidoyer pour une connaissance vivante et un dialogue d’amour au service d’un monde meilleur.

21 mai 2025, Paris: rencontre à la librairie Le Delta

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